Franche-Comté
Mercredi 22 au dimanche 26 septembre 2021
Organisation : Thomas de Bellaigue
La France recèle de nombreux villages, monuments ou sites industriels classés Monuments Historiques quoi que ignorés des grandes routes touristiques, tel ce département méconnu de Franche-Comté, la Haute-Saône.
Cette région fut longtemps convoitée par les rois de France avant que Louis XIV ne s’en empare en 1674 par la prise de la ville la plus méridionale, Gray. Au début du XIXème siècle le département devint pendant une brève période le deuxième département de France par sa puissance économique, grâce aux forges et au travail des métaux.
Dix huit équipages venus de toute l’Europe continentale et même d’une ile voisine où furent fabriquées nos autos rallièrent donc ce petit coin de France pour s’installer à l’hôtel Château de Rigny, havre paisible en bord de Saône, pour découvrir un univers plein de contrastes, qui nous réserva quelques surprises, nous enchanta par la majesté des lieux et éveilla nos cinq sens, tout cela avec la complicité et la simplicité de nos hôtes et guides, ainsi que des habitants dont l’accueil fut très chaleureux.
Il y en eut pour les voitures, un peu, et surtout pour tous, enfin c’était l’objectif ! Les épouses se passionnèrent pour les machines à vapeur et leurs conjoints pour les machines à coudre, allez comprendre…Mais ce qui est sûr est que certaines choisirent de voyager sur la banquette arrière, si confortable dans nos limousines.
La première visite, au musée des arts et techniques de Champlitte, avec ses ustensiles de cuisine, ses machines à tisser, et surtout ses moteurs à pétrole ou à vapeur du début du XXème siècle, déplacés de fermes en fermes pour y apporter la force motrice, nous plongea au cœur d’une vie rurale encore vivante au milieu du XXème siècle. Le ton était donné, ce département est fier de son histoire et nos guides désireux de nous la faire partager. Notre prologue fut ensuite princier lorsque notre hôte nous présenta avec simplicité Fontaine-Française, les portraits de ses cousins installés sur le Rocher de Monaco, et la chambre aux tentures magnifiques de son aïeule. Cet hôte hérita d’ailleurs d’une belle Silver Spur, mais lui préfère désormais un engin plus adapté aux parcours forestiers.
Après cette mise en condition bien contrastée, le deuxième jour fut celui d’une immersion dans la vie moyenâgeuse, à Fondremand, puis à Oricourt, à la découverte du quotidien de cette époque, loin des clichés trop souvent diffusés. Avec une érudition extraordinaire, notre hôte nous apprit beaucoup sur cette période et il aurait fallu séjourner plus longtemps pour récolter tout ce savoir. Pour illustrer, la capacité d’un pigeonnier est déduite des équilibres entre d’un côté la chasse aux nuisibles par les pigeons et de l’autre la voracité de ces volatiles gourmands des récoltes. Cela nous éloigne de la vision simplifiée d’un ratio théorique entre nombre de pigeons et nombre d’hectares de terres. Et toujours pour les pigeons, nous savons maintenant qu’ils ne voyagent seuls que vers leur nid. C’est le GSM à sens unique pour informer les siens.
Les jours suivants nous réservaient des surprises, comme la rencontre avec ce collectionneur de modèles réduits de voitures Ferrari lors d’une pause à la mairie-lavoir du village de Beaujeu, puis quelques beaux lavoirs et enfin une dégustation que nos palais apprécièrent. Surprise encore lorsque nous pénétrâmes dans les forges de Pesmes dont la fabrication de sécateurs semblait s’être arrêtée la veille. Arrêt qui fut non pas économique mais administratif pour manque de dispositifs de sécurité, il est vrai difficiles à imaginer dans une telle usine. Et pourtant la force motrice était l’eau, quoi de plus écologique !
Ce fut un enchantement lorsque nos hôtes évoquèrent leurs origines ou présentèrent leurs domaines. « Même en rêve je n’aurai pas imaginé cela » furent les commentaires de certains en arrivant à Bournel.
C’est pourtant simple, à Bournel le temps est découpé en deux parties, ce qui est neuf, entendez moins de 200 ans comme le château d’inspiration « Viollet Le Duc », et l’histoire familiale, connue et brillante depuis plus de cinq siècles. Histoire qui fut racontée avec une grande modestie teintée d’autodérision, et aussi avec tact à l’évocation devant notre groupe de la résistance et de la pugnacité de cette famille pendant les guerres mondiales. Tout cela au soleil et au centre d’un potager enchanteur, si bien fleuri et tout autant nourricier.
Puis ce fut Buthiers, où il fut question de façon très vivante du vilain envahisseur, le Roi Soleil, voisin indésirable dont les conquêtes brisèrent la liberté de cette région. Car la Franche-Comté, nom qui reflète bien sa situation politique, ou comté de Bourgogne au XVIIème siècle, était une région très autonome de l’empire espagnol que conquit Louis XIV en 1674 pour la rattacher au royaume de France.
La découverte du cimetière de Gray, une originalité de notre périple, et la réception par monsieur le Maire de Gray nous sensibilisèrent à la vie locale et à ses symboles. Car aujourd’hui encore le pouvoir central peine à s’y faire admettre, malgré deux visites présidentielles à Gray depuis les débuts de la Vème république, la dernière juste après notre passage.
Tout au long de ce périple historique et technique, nos cinq sens furent sollicités.
Nos yeux ont été comblés par des paysages sauvages, tantôt emprunts d’une brume matinale que seuls les clochers aux tuiles vernissés perçaient, tantôt illuminés d’un beau soleil trônant dans un ciel bleu azur, voire brûlant lors de la visite du cimetière de Gray. Et une lumière chaude et contrastée en fin de journée fit tous les soirs ressortir l’ocre des bâtiments.
Le goût fut honoré par la saveur du silure en terrine, lequel poisson carnivore est beaucoup moins effrayant dans nos assiettes que tapi au fond des eaux troubles et obscures des rivières au courant très faible, comme l’est la Saône.
L’odorat a quant à lui été sollicité par les épandages matinaux sur des terres encore humides ou quelques remorques de fourrage en embuscades sur les chemins vicinaux, mais surtout charmé par le parfum des fleurs de Bournel.
L’ouïe n’a été sollicitée que par les sonneries de Cloches et par le feulement discret de nos automobiles. Mais cela est sans omettre la perception virtuelle des martinets frappant la fonte d’acier pour la transformer en mignon petit sécateur de dame.
Quant au toucher, si le cercle de nos volants nous contente depuis longtemps déjà, les poignées de main nous ramenèrent en des temps de convivialité si proches et à la fois trop lointains. Quelle belle contrée éloignée des diktats parisiens, qui vibre de liberté.
Ce rallye était rythmé voire dense, et aura sans doute engendré quelques déceptions, masquées à l’organisateur par bienveillance des participants, mais surtout laisse un regret, l’absence de ceux qui ne purent venir. Et si une route forestière en corniche malheureusement coupée nous a privés d’un très beau panorama, même la vilaine pierre située dans une rue pentue et étroite ne parvint pas à écorcher l’ambiance, elle n’eut qu’un chrome à dévorer et la voiture continua plus majestueuse que jamais, rétablie dans sa dignité par un garagiste aimable qui en fut honoré d’un trophée.
Le soleil, la gentillesse, la bonne humeur et la bienveillance de chacun firent de ces quelques jours des moments sympathiques pour tous. Le merveilleux bouquet comme le rare whisky et les chocolats, de Belgique et de Suisse, symbolisèrent à merveille le bonheur de participer et la joie que nous avons eue à vous accueillir.
Alors, prêts à recommencer avec les absents de cette année, ou dans le Jura et le Doubs voisin ? Cette région a des ressources aussi méconnues que nombreuses qui n’attendent que nous pour nous enchanter.
Thomas de Bellaigue
Organisateur donc rédacteur très partial de ce compte-rendu
Octobre 2021